06. La relation de Maître à Disciple

Un proverbe vietnamien dit ” Sans Maître, tu ne feras rien de bon. “

Depuis la Maternelle jusqu’à l’aboutissement de nos études, nous avons étudié auprès de nombreux enseignants. Sans eux, comment aurions-nous appris à lire, à écrire ou à calculer ? En dehors de l’école, le mot ” maître ” désigne aussi celui qui nous montre comment faire. Si nous n’avons personne pour nous montrer comment nous y prendre, nous avons beaucoup de mal à réaliser quoi que ce soit.

Il en va de même pour le Bouddhisme. Le pratiquant débutant a grand besoin de la guidance d’un Maître. Selon les règles de la discipline monastique, les novices ne peuvent pas quitter leur maître. Même les bhikshus (11) n’ont pas le droit de s’éloigner trop rapidement de lui, de peur que n’ayant pas encore la force suffisante, leur pratique ne dégénère, ou qu’ils ne s’égarent.

C’est la raison pour laquelle la place du maître est si importante.

La deuxième raison est l’importance de l’influence du maître : si notre maître est bon, nous deviendrons bon, s’il est mauvais, nous deviendrons mauvais.

C’est pourquoi nous devons être particulièrement prudent dans le choix d’un maître digne de confiance. Le bon choix nous assurera des progrès rapides. Notre aspiration à la pratique risque de dégénérer et nous pourrons abandonner la Voie et éprouver haine et rancoeur vis-à-vis de tous les maîtres à la suite d’un mauvais choix.

Comment faire ce bon choix ?

Avant tout, vous devez sincèrement aspirer à la Libération, à l’Eveil. Ensuite, priez les Bouddhas et les Bodhisattvas pour qu’ils nous permettent de trouver un maître parfaitement qualifié. Enfin, ne vous précipitez pas, ne choisissez pas à la hâte. Prenez le temps de faire sa connaissance, de vous renseigner, faites un examen critique.

D’après les ” 50 Stances de Dévotion au Gourou “ (Gurupancasika) d’Ashvaghosha (12) , un maître qualifié doit posséder les 10 qualités suivantes:

  1. Garder purs ses voeux et engagements,
  2. Pratiquer la méditation et maîtriser la quiétude mentale,
  3. Avoir la Sagesse et avoir dissipé toutes les illusions et les obstacles,
  4. Avoir une connaissance supérieure à celle de son disciple dans le domaine enseigné,
  5. Etre patient et avoir la joie d’enseigner,
  6. Avoir une vaste connaissance des Soutras,
  7. Comprendre la vacuité en profondeur,
  8. Savoir utiliser les moyens habiles appropriés en fonction des aptitudes et inclinations naturelles du disciple,
  9. Avoir une grande compassion envers le disciple,
  10. Instruire les disciples sans se lasser, sans discrimination de leurs niveaux d’intelligenceou de leur rang social.

Si vous avez la chance, grâce à l’accumulation de vos mérites antérieurs, d’avoir rencontré un tel maître, empressez-vous de lui exprimer votre dévotion et demandez-lui de vous accepter comme disciple.

Dans mon livre traitant du Mahamoudra, je parle d’une technique méditative propre au Vajrayana, le ” Guru Yoga “.Tous les pratiquants du Mahamoudra en particulier, et du Mantrayana en général, passent par une période de pratique de cette technique. Sans entrer dans le détail, il s’agit de visualiser son maître assis au-dessus de sa tête avant tout autre visualisation. Le rôle du Gourou est absolument essentiel dans le Vajrayana.

Le rôle du maître dans le Vajrayana est-il le même que dans le Mahayana ?

Dans la tradition Mahayaniste, le maître auprès duquel nous prenons refuge, ou qui nous donne pour la première fois les préceptes, est considéré comme étant notre Gourou. D’un point de vue formel, il est notre maître, que nous l’apprécions, que nous l’admirions ou non, car c’est lui qui a accompli la première cérémonie qui nous fait entrer dans le Dharma. Si nous comparons ce Guru au Maître tantrique, nous pouvons provisoirement l’appeler le ” Maître formel “.

Selon le Vajrayana, le maître qui nous fait réaliser directement la nature de l’esprit est notre “Maître – Racine ” (rtsa ba’i bla ma – prononcé tsawé lama). N’importe quel enseignant peut donc devenir notre Maître-Racine, qu’il nous ait transmis les préceptes ou non.

Qu’il soit votre maître ne dépend d’aucun élément formel, comme d’une cérémonie de refuge, de transmission de préceptes, ou tout autre rituel. Le maître ne dira pas non plus au disciple : ” Je suis ton Gourou ” ! Il n’y a que le disciple qui puisse choisir son maître. C’est ce que nous pourrions appeler le ” Gourou selon l’affinité “.

Si vous avez déjà trouvé votre maître, vous devez lui témoigner une entière confiance, autant de respect et de dévotion que s’il était le Bouddha lui-même.

Si vous considérez votre maître comme un être ordinaire, ses enseignements resteront du niveau de l’ordinaire et vous n’obtiendrez qu’un résultat médiocre. Si vous le considérez comme un Bodhisattva, vous recevrez l’enseignement d’un Bodhisattva et si vous le suivez, vous deviendrez vous-même un Bodhisattva. Enfin, si vous considérez votre maître comme un Bouddha, son enseignement sera celui d’un Bouddha et vous deviendrez un Bouddha en suivant ses instructions.

Considérer son Gourou comme un Bodhisattva ou un Bouddha est le fondement du Vajrayana. Avez-vous déjà essayé de voir votre maître de cette manière ? Si vous ne l’avez jamais fait, essayez ! Vous constaterez que c’est bien plus facile à dire qu’à faire !

Tant que nous sommes encore sous l’emprise de l’attachement à notre ” Je “, de l’orgueil et de la fierté, nous avons tendance à ne voir que les défauts des autres. Si nous ne parvenons même pas à leur accorder ne fût-ce que quelques petites qualités, comment pourrions-nous les considérer comme des Bodhisattvas ou des Bouddhas ?

Le Mahamoudra distingue trois aspects de la pratique, qui sont comparés aux trois parties du corps :

  1. la dévotion au maître correspond à la tête,
    2. la méditation correspond au tronc,
    3. le renoncement à la vie mondaine correspond aux jambes.

La dévotion au Maître est la source de tous les accomplissements (siddhi (13) ), et l’on ne saurait assez insister sur l’importance capitale d’avoir un maître pour nous guider. Je ne peux que vous conseiller vivement de chercher un tel maître qualifié qui puisse vous soutenir tout au long du trajet qui mène à la Libération.

Le rapport entre un maître et son disciple est un lien particulièrement sacré. Si nous pouvons suivre un maître pleinement réalisé, ou qui pratique la voie juste, nous atteindrons certainement l’Eveil, si ce n’est dans cette vie, ce sera dans l’une de nos vies futures, et ce grâce à la connexion karmique que nous avons établie avec ce maître. Dans sa grande compassion, il ne nous abandonnera jamais, même si devaient s’écouler des centaines de milliers de vies.

Que nous trouvions notre maître rapidement ou non dépend de notre karma.

Les Bouddhas et les Bodhisattvas sont plus nombreux que les grains de sable du Gange, ils résident partout et ont fait le voeux de sauver les êtres – comment se fait-il que nous ne les voyons pas ?

Si vous n’avez pas encore trouvé votre gourou, priez avec sincérité, récitez les soutras, repentez-vous de vos mauvaises actions passées et continuez de chercher. Comme le dit un proverbe tibétain

” Lorsque le disciple est ‘mûr’, le maître apparait “.

De nos jours, nous sommes pour la plupart indifférents vis-à-vis de la relation Maître-disciple.

Les hommes vont rarement au temple, et s’ils s’y rendent, c’est souvent avec une attitude orgueilleuse : il est rare qu’ils consentent à rendre hommage avec humilité ou à s’abaisser pour demander respectueusement au précieux maître qu’il leur enseigne le Dharma.

Les femmes, au contraire, se rendent fréquemment au temple, mais elles sont souvent en proie au désir, à l’attachement et à la jalousie. Soit elles servent les maîtres en vue d’accumuler des mérites, soit elles viennent leur confier des propos futiles, et ce n’est que rarement qu’elles souhaitent vraiment s’enquérir du Dharma.

Tous devront dès lors attendre bien longtemps avant de trouver leur maître ou ami spirituel.

Plongés dans l’ignorance et la stupidité depuis la nuit des temps, comment pourrez-vous atteindre la Libération sans rencontrer un maître qualifié pour vous guider ?

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